Louise Hendricks au salon Première Classe ou splendeurs et misères d’une créatrice de bijoux

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Dans la vie d’une créatrice de bijoux, il y a 2 moments-clés dans l’année, ce sont les présentations de ses collections de l’année n+1 à ses clients : le premier est en juillet, le deuxième est en janvier.

Le 17 ème salon des collections de la créatrice de bijoux Louise Hendricks

C’est important parce que tout le business de l’année se joue sur ces 2 rendez-vous, c’est ici que les magasins viennent faire leurs achats pour la saison prochaine, et pour la majorité des créatrices qui n’ont pas de réseau de vente, cela se joue à pile ou face : soit la collection plaît, et elles vont vendre, soit cela ne plaît pas, et c’est la saison qui est en jeu, car il n’y a pas trop d’autres moyens de faire du chiffre, sauf pour celles qui ont leur boutique en propre.

Mais au-delà de l’aspect business, il y a l’aspect PSYCHOSOMATIQUE du salon. Parce que pour rappel, une créatrice de bijoux, (ou un créateur…) C’est une (un) Artiste, qui a mis son coeur et ses tripes (aussi…) dans ses produits, et s’exposer ainsi au jugement des acheteurs, c’est un peu arriver tout nu à l’école, monter sur scène devant 100 personnes et jouer à la roulette russe. C’est aussi le stress de la préparation avec en ligne de mire, le couperet qui peut tomber violemment sur la petite entreprise si les commandes ne sont pas au rendez-vous.

J’ai suivi mon amie Louise Hendricks sur le salon Première Classe de janvier, pour vous raconter ses états d’âme, et vous montrer que créatrice de bijoux, malgré tout ce que l’on peut en rêver, ce n’est ni une bluette, ni une sinécure, mais un sacré challenge. Cela fait maintenant 8 ans que Louise a créé sa marque, autant dire qu’elle est une vieille routarde de première Classe, c’est son 17e salon ! D’ailleurs, c’est comme cela que l’on s’est rencontrées en septembre 2006, on était voisines, et l’angoisse largement partagée de cette première expérience a scellé une amitié longue durée, ce qui est assez rare dans ce métier ! En route pour Première classe avec Louise !

Vendredi 24 janvier

8 h 30

Au 24 rue Pastourelle, c’est le calme avant la tempête. Louise Hendricks est apparemment zen, sa collection est bouclée, Anne finit les derniers photos, le merchandising est déjà scénographié dans l’atelier, les prix sont calculés sur Excel, Claire sauve le doc du catalogue, tout va bien on n’a jamais été aussi ready, pour le reste Inch Allah !

En fait, Louise en est déjà à sa 5e clope, son gilet est boutonné le jeudi avec le vendredi, elle souffre de maux divers, du type crampe à l’estomac, nausées, bouffées de chaleur, elle se cache sous son chapeau, mais bon, elle fait sa fière, prête pour monter sur le ring.

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11 h

le rythme s’accélère, il faut démonter tout l’atelier, les meubles, les présentoirs, tous les produits, les décorations et les visuels, tout doit être emballé. On sort le papier bulle, le Scotch et les grosses valises, c’est parti …

 13 h

l’atelier est un entrepôt de bazars emballés, le transporteur vient de sonner, on va tout vider et mettre dans le camion, direction porte de Versailles !

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14 h

après 45 minutes de traversée de Paris à réciter en boucle la check liste des objets essentiels potentiellement oubliés (Scotch double-face, clous, marteau, agrafeuse…), arrivée à la non mythique mais néanmoins célèbre porte de Versailles.

Il y a quelques endroits sinistres dans Paris, vous savez, le genre d’endroit ou ne jamais mettre les pieds, surtout pas le week-end, sauf si on a un couteau sous la gorge ou un salon à faire, le genre d’endroit à Pétaouchnock, perdu au bord du périph, sans café ni restau ni coin sympa pour se poser, une sorte de no man’s land du gris… Direction le hall 7.

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14 h 30

Arrivée dans le gigantesque HALL 7, 2e étage, traversée d’allées désertes, où les stands se succèdent comme de petits box blancs, vides eux aussi.

Cet immense espace de béton a un air de Shining, on entendrait presque le vent siffler dans les allées, la moquette blanche est encore recouverte de plastique, des petits tracteurs électriques transportent des gens qui doivent être des techniciens du salon, la coque est prête à recevoir les bijoux, les sacs, les chaussures et les vêtements qui vont être les stars ici pendant 4 jours.

Louise est dans les premières à arriver, elle sait qu’il vaut mieux faire les choses tranquillement pour éviter la panique, il est loin le temps où elle arrivait en transes sur le coup de 20 h pour installer son stand, une faute de débutante … On croise une fille à l’air hagard en train de porter un sac plus grand qu’elle et 2 perceuses, un gars en tenue de combat qui a étalé le contenu de sa boîte à outils par terre, une dame perdue nous demande en italien ou est le commissariat, on ne sait pas, on vient d’arriver, chacun ses problèmes…

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Ça y est on le voit, adossé au rideau blanc, en angle, première réaction positive et rassurée: on est bien la non ?!

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Parce que l’obsession de chaque exposant dans un salon, c’est quand même L’EMPLACEMENT.

Il y a les endroits maudits, genre Mme Pipi, ou en plein courant d’air devant une porte tout le temps ouverte pour les fumeurs, sur de petites allées transversales genre impasses, ou excentré dans un univers qui n’a rien à voir avec ses produits (des bijoux au milieu des chaussures, ce n’est pas terrible), ou à contre-courant du flux de passage.

 Après il y a des considérations plus toxiques, du genre être en face de sa pire concurrente, qui va vous lancer des regards lasers désintégrateurs pendant 4 jours ou infester votre stand de poux pour faire fuir vos clients…

 Ou bien être à côté de la marque la plus Hype du salon, et passer son temps à les voir gratter des commandes pendant que l’on se morfond sur son stand désert…. Bref, chaque créatrice vous racontera toujours son pire salon cauchemar lié à un emplacement pourri, parce que évidemment, c’est quand même mieux de se dire cela plutôt que de s’avouer que l’on avait une collection pourrie… Mais c’est une autre histoire.

Pour l’instant Louise est contente de son emplacement, on déballe, on sort les présentoirs, les boîtes de produits et les Granolas, et on fait coucou à M. LUMIÈRE là haut, c’est grâce à lui que l’on aura un stand bien éclairé et visible, ou pas….

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18 h

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Ça y est le stand est entièrement installé, on a bien réfléchi à la mise en scène des collections, on a fait en sorte que les produits les plus forts soient installés dans l’angle, on a collé le logo au mur, installé les miroirs et les visuels, Louise donne les dernières instructions, on a reconstitué l’atelier sur le stand, mission accomplie.

Les allées se sont remplies, les voisines ont commencé à arriver, il y en a qu’on connaît, d’autres avec qui on va faire connaissance, c’est un peu comme à la rentrée des classes, chacun et chacune s’observe avec circonspection, concurrence oblige…

Louise fait des photos du merchandising pour ranger les produits et pouvoir tout refaire à l’identique demain matin, elle protège son stand d’un grand tissu noir, reprend ses grosses valises, et quitte les lieux, demain est un autre jour !

Samedi 25 janvier

9 h

le salon ouvre ses portes, les allées se remplissent, Louise, comme chaque créatrice, est à son poste dans son habit de lumières.

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C’est parti pour 4 longs jours de contacts, rencontres, vente, échanges, commandes et aussi de hauts et de bas.

Le passage de clientes fidèles, un commentaire chaleureux sur la collection, la rencontre avec un nouveau distributeur, et c’est l’euphorie. 2 heures à bayer aux corneilles en comptant le nombre de passages sur le stand de la voisine et c’est le désespoir …

Au bout du compte, il y a les chiffres, qui font que le soir du mardi 28 janvier, Louise peut dire qu’elle est satisfaite de son salon. Globalement positif, des clientes fidèles, une superbe commande à l’international, le sentiment d’avoir développé une marque qui s’est fait une place durable sur le marché bataillé du bijou fantaisie.

Parce que dans un marché qui est régi par la cruelle volatilité de la mode, le grand challenge, c’est d’imposer un style et de durer. 

Pari gagné pour la créatrice de bijoux Louise Hendricks !

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www.louisehendricks.com

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