Les mondes merveilleux d’Alexandra Abramczyk

« Il faut absolument que tu rencontres Alexandra Abramczyk, tu vas l’adorer ! »

Avec Vincent Debiar, ça commence toujours comme ça.

Ce n’est pas une suggestion, ni une proposition, ni une demande, ni une question, ni un ordre, c’est juste un conseil d’ami, indiscutable.

Je suis en passe de me dire que Vincent est le meilleur attaché de presse de Paris, parce que je n’arrive jamais à lui dire non. J’ai bien essayé avec Alexandra, en lui expliquant qu’à première vue, le ramdam talismanique autour des bijoux, c’était pas trop mon truc.

Mais à force de le côtoyer et de l’entendre parler de ses protégées, je me suis rendue compte qu’il fonctionnait au coup de cœur, plutôt qu’à la raison. Et ça me plait.

Il représente des créatrices ou des marques parce qu’il s’attache au personnage, à leur histoire, qu’il les aime, et qu’il y croit. Il les couve et les encense avec le plus grand naturel. Il n’a pas des client(e)s, mais une famille dont il est fier, des poussins qu’il pousse dans la lumière avec la confiance du géniteur, et c’est sa force.

Je n’ai donc pas résisté à la curiosité de rencontrer Alexandra, dont Vincent me tissait une couronne de louanges. Quand j’ai dit ok, il a tout organisé en 3 mn chrono, rendez vous pris le lundi dans la nouvelle boutique de Sarah Lavoine, son flagship prestigieux place des Victoires, une boutique ravissante dont le premier étage baigné de lumière donne sur la statue du Roi Soleil, chic-issime, évidemment.

C’était le dernier lundi de canicule de juin, 40° à l’ombre, et quand je suis arrivée en avance et en ébullition, Vincent était là, en train de finir son déjeuner avec sa bande, Marie, Juliette et Alexandra.

J’ai retrouvé avec plaisir Marie Poniatowski, la créatrice de la marque Stone dont je vous ai déjà parlé ici, et salué ses deux amies que je ne connaissais pas encore. Je n’avais vu qu’une seule photo d’Alexandra, celle de son site, et franchement, si elle ne s’était pas présentée, je ne l’aurais pas reconnue, tant elle est différente de cette image un peu guindée tellement loin d’elle.

Alexandra est une beauté sauvage.

Grande, féline, un regard noir velouté, une crinière mordorée, la peau caramel, pas une once de maquillage, son naturel est absolument fascinant.

A peine lui ai-je dit bonjour que j’ai eu l’impression de la connaître depuis toujours. Je me suis assise à leur table, j’ai pris un café, et on a parlé de tout et de rien, de mon voyage aux US, du salon COUTURE, de cette émeraude incroyable qu’elle portait à son doigt, de son amour immodéré de la couleur verte, usant de ce babillage léger qui est le signe d’une sympathie immédiate, sans effort, de plein pied dans la connivence.

Quand Marie Poniatowski est partie, Alexandra m’a expliquée qu’elle étaient amies depuis longtemps, et que les bijoux, leur passion et métier commun, les avaient définitivement soudées.

Quant à Juliette avec qui Alexandra travaille depuis toujours, elle est visiblement son amie d’enfance, sa confidente, sa responsable marketing, sa sœur, bref, une sorte de double complémentaire avec qui elle fait tout.

On a attendu Sarah, ma photographe préférée en continuant notre small-talk de pipelettes, j’ai même parlé de mes problèmes dentaires, une sombre histoire pas trop glamour à base de dents qui bougent à partir de 50 piges, vous savez le fameux marronnier la vieillesse est un naufrage , c’est dire si on avait plongé dans l’intime !

Ca a déclenché un tour de table façon témoignage sur nos problèmes de dents, ça y est, on était bien, Sarah est arrivée, on pouvait entrer dans le vif du sujet : les bijoux, et la life d’Alexandra.

En bon metteur en scène, Vincent nous a fait grimper au 1er étage de la boutique, canapés cosys et bleu Sarah Lavoine de rigueur, jeux de miroir et lumière éclatante irradiant de la place royale.

Le plus naturellement du monde, Alexandra a enlevé ses sandales et s’est installée en tailleur dans le canapé bleu.

Elle m’a expliqué que c’était sa position assise de prédilection, depuis qu’elle l’a adoptée en Inde où elle s’assied par terre pour découvrir les sacs de pierres précieuses qu’on lui apporte en grande quantité.

Elle me fait un clin d’œil et me dit, «En fait, je suis surtout indienne…».

J’ai pris mon cahier, et sous l’œil amusé de Vincent et le regard complice de Juliette, j’ai écouté le récit de la vie d’Alexandra.

Je pourrais vous raconter cette histoire de façon linéaire, chronologique, organisée et objective.

Mais Alexandra n’est rien de tout cela.

Elle est une personne hors du commun, de ces êtres qui voient et entendent des choses que les autres ne perçoivent même pas, une femme qui ne marche pas mais qui flotte, une mère qui ne fait pas des enfants mais des anges, une artiste qui ne crée pas mais qui irradie.

Du coup, je vais vous raconter Alexandra comme moi je la vois, singulière et un peu magique, elle m’a fait partir dans un imaginaire aussi foisonnant que ses bijoux, comme les mondes qu’elle imagine dans ses «Secret Glass», oniriques, merveilleux et absolument fascinants.

Alexandra est le fruit d’un mélange détonant.

Elle me parle par touches de ses parents, pour m’expliquer que son père est Argentin, et que de ce coté là tout le monde est blond aux yeux bleus et qu’elle est un OVNI, alors que du coté de sa mère, d’origine antillaise, il y ce métissage unique des Iles, avec du sang mêlé et surtout une touche indienne, qui lui vient de son grand père.

Par investigation parallèle, je sais que sa maman, Cathy Rosier, fut une femme sublime et la première actrice métis du cinéma français, une femme délicieuse qui donna la réplique à Alain Delon dans le film « Le Samouraï ». Une personnalité, une beauté, un talent fou, un charme ravageur, Alexandra porte en elle l’héritage d’une princesse.

Alexandra est une indienne.

Mais ce qui me frappe le plus chez elle, et qui émerge dans ce brassage génétique si multiple, c’est son coté Indien. Comme si ce gène lointain et exotique, sédiment resurgi du passé, était revenu à la surface de son code génétique.

Elle parle avec passion de son premier voyage à Jaipur en 1999, de son impression de déjà-vu en arrivant dans ce pays, comme si elle avait intégré cette culture en elle avant même de la connaître.

J’ai connu ce sentiment étrange en allant pour la première fois en Kabylie, le pays de mon père, à l’âge tardif de 47 ans. J’y étais comme chez moi, les odeurs et les saveurs m’y étaient familières, alors que je n’y avais jamais mis les pieds.

Ce phénomène étrange et déroutant, je l’appelle la transmission invisible. Nous portons en nous une partie de nos ancêtres, c’est inconscient, mais absolument déterminant dans notre destinée.

Elle me raconte sa rencontre émerveillée avec Munnu, le prince héritier du Gem Palace, son coup de foudre pour ces fameux sacs emplis de pierres précieuses huilées qu’on lui mettait sous les yeux comme des sacs de vulgaires cailloux, cet amour immodéré qu’elle a pour l’artisanat indien, millénaire, sophistiqué et spirituel.

Une culture ou les couleurs éclatent dans des camaïeux inédits, où elle se passionne pour le rouge intense qui révèle le rose habituellement mièvre, et où l’envers des bijoux est aussi joli que l’endroit, car l’envers est pour soi, pour son âme.

Quand Alexandra parle de l’âme, j’ai d’abord un doute, mais ce n’est pas du tout une blague façon Florence Foresti, elle y croit fermement.

Je la sens guidée par une spiritualité très personnelle, dans laquelle ne rentre aucune considération philosophique ni religieuse. Elle ressent tout, elle m’explique qu’elle est hyper empathique, que ça lui pose parfois des problèmes, car elle peut parfois être dérangée par des vibrations négatives qui viennent des autres.

Je la regarde sceptique en me disant qu’elle a passé trop de temps dans un ashram à fumer des pétards, mais pas du tout, Alexandra est très sérieuse et me répond avec son sourire lumineux qu’elle a toujours été comme ça, comme une source de lumière pour les âmes en errance.

Et elle ajoute : «d’ailleurs, c’est pour me protéger que j’ai imaginé ma collection Talismans ! »

 

Là je touche au vif du sujet, et je l’écoute plus attentivement. Elle m’explique le sens des chakras (« roue » en sanskrit), ces 7 points énergétiques du corps humain, qui sont la source de la médecine ayurvédique indienne. Situés sur un trajet qui suit la colonne vertébrale, ils appartiennent à notre corps « subtil », points invisibles de notre corps qui distribuent l’énergie à nos organes.

Là je comprends, ma masseuse préférée, Fatima, me dit toujours que je suis québlo au niveau du plexus solaire, et que ça me met la rate au court-bouillon.

C’est donc vrai cette histoire de chakras ? Quand un point est bloqué à cause d’une émotion, l’énergie ne circule plus et le corps se met à tourner à l’envers ?

En tous cas, Alexandra y croit dur comme fer, et comme elle a une passion pour les couleurs, elle a plongé dans cette sciences mystérieuse des chakras et telle une chamane confirmée, elle a tourné autour de leurs 7 couleurs symboliques pour en faire une collection de talismans protecteurs, bienfaisants et magiques pour qui veut y croire.

Des bijoux qui me font complètement craquer avec leur arc-en-ciel de couleurs irrésistibles, la signature d’Alexandra, des petites gouttes mobiles comme de la rosée, des coquillages en dentelle, et tout un thème autour de l’opale, pierre aux feux changeants, magique par essence.

Alexandra est une transmettrice.

De son père, grand collectionneur d’art, elle a hérité l’amour des belles choses. Avec lui, elle a passé son enfance à écumer les antiquaires, les puces de Londres, les galeries d’art, elle a partagé ses coups de foudre pour les beaux objets, dont on tombe amoureux comme d’une personne.

Elle me raconte que son père lui a communiqué un mantra purement hédoniste qu’elle utilise aujourd’hui à son compte : « Si tu rencontres un objet dont tu tombes amoureux, et dont tu te dis que tu ne peux pas vivre sans, alors il te le faut ».

C’est comme ça qu’elle procède quand elle voit une pierre qui la touche au cœur. Elle ne réfléchit pas, elle sait qu’elle ne pourra pas vivre sans cette pierre, d’ailleurs, elle a déjà le dessin du bijou dans sa tête, elle le griffonne vite fait sur son carnet, il lui faut cette pierre, elle ne pourra pas vivre sans. C’est comme ça.

Dans les bonnes fées qui se sont penchées sur elle pendant son enfance, il y a aussi l’amie de son père, l’artiste prolifique Nathalie Hambro, auteur, sculptrice, créatrice de bijoux et grande collectionneuse de bijoux Victoriens. Avec Nathalie, elle va affiner son œil sur les bijoux anciens, aimer les collectionner, les connaître, les dessiner.

C’est grâce à cette transmission familiale qu’elle va aimer l’art, et qu’elle va l’étudier, et qu’elle va en faire son métier.

Alexandra n’est pas du genre à se faire mousser. Elle ne m’a pas raconté son CV, je sais qu’elle a fait histoire de l’art à Madrid, et que c’est chez Cartier puis chez Graff qu’elle a fait ses classes, appris le métier, chez les plus grands noms de la joaillerie. Il y a une douce modestie chez cette grande fille intense, elle a voyagé partout dans le monde, connait Londres, Paris et Madrid et sans doute l’Argentine comme sa poche, elle habite maintenant à Tel Aviv avec sa famille, certaines pourraient se faire des tonnes avec toute cette richesse de vies rêvées, mais pas elle.

Elle ne parle pas de ce qu’elle sait faire, mais de ce qu’elle aime faire.

Elle raconte très bien qu’elle aime les femmes, qu’elle fait des bijoux pour les femmes, pour les rendre belles, pour transmettre un lien, charnel et féminin.

Alexandra est une collectionneuse.

Dans son parcours personnel, elle a toujours aimé collectionner les objets, les pierres précieuses et les bijoux.

Comme pour me le prouver, elle sort de son sac (très beau, un cabas Claris Virot en serpent vert, sa couleur fétiche, évidemment…) une multitude de petites pochettes en soie chinoise, remplies de bijoux tous plus incroyables les uns que les autres, comme un trésor avec lequel elle se balade au quotidien : il y a là un hippocampe serti de ravissantes tourmalines Paraíba, et une collection de boutons de manchettes qu’elle a créé spécialement pour son homme dont elle parle avec ravissement, une bague serpent sertie de diamants taille ancienne …

Elle m’explique que cette passion de la collection l’a poussée à acheter des lots de pierres incroyables, des opales, des pierres gravées, dont elle a souvent du mal à se séparer tellement elle les aime.

Après son premier voyage à Jaipur en 1999, elle a créé sa propre marque, Djaya, (Victoire en sanskrit) et elle se met à créer des pièces uniques, avec beaucoup de bonheur.

Dans la discussion avec elle et Juliette, je comprends que cette aventure des bijoux, elles l’ont vécues toutes les deux depuis cette époque. Juliette s’occupait de la partie marketing et commerciale, Alexandra créait ses pièces uniques, elles avaient installé leur showroom dans un petit boudoir raffiné aux couleurs indiennes, du rose fushia au vert céladon, et que cette période bénie à scellé leur collaboration et leur passion commune pour les bijoux.

Aujourd’hui, même si elle a lancé sa ligne de bijoux, avec quatre collections et une logique de commercialisation plus ambitieuse, elle reste passionnée par le sur-mesure, et dit qu’elle va volontiers en refaire. Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est développer un modèle pour quelqu’un d’unique, de créer pour une personne, parce que là c’est son alchimie personnelle qui marche à plein régime, une inspiration très forte au travers de ce qu’elle perçoit de l’autre.

D’ailleurs, il y a quelques années, Christies ne s’y est pas trompé. Lors d’un rendez-vous éclair à New York, Alexandra leur a présenté toute une boite de pièces uniques. L’expert de Christies a eu un coup de foudre et a tout acheté, la bonne étoile d’Alexandra sans doute !

Alexandra est une mère

Je leur demande pourquoi elles ont arrêté l’aventure de Jaya, et elles me répondent en cœur «  parce que on a fait des enfants ! ».

Ensembles ?

Elles éclatent de rire, « non séparément ! ».

A ce stade, Alexandra m’avoue que ses enfants on totalement éclipsé ses bijoux.

Sa vie de mère, envahie par l’adoration de ses 3 enfants, a pris le pas sur sa vie de créatrice de bijoux, et pour un long moment. Elle s’est réveillée de cette longue période de béatitude en 2010.

Quand elle parle de son parcours sur les bijoux, elle dit aussi souvent la phrase : ‘j’étais enceinte de mon 1er, 2ème, 3ème enfant. Je n’ai pas bien réussi à récapituler la chronologie de ses grossesses, mais j’ai compris que la maternité était très liée à son cycle créatif, comme une connexion astrologique fondamentale.

D’ailleurs, dans son karma, il y a beaucoup d’astrologie, elle a créé aussi une ligne sur les signes du zodiak chinois, je lui ai donné mon année de naissance, et m’a expliqué que j’étais « lapin », ce qui me plait beaucoup car j’adore ce mignon petit animal, et le sien est charmant, comme tous le bestiaire qu’elle a créé, réaliste, minutieux et poétique.

Quand la pulsion créative s’est de nouveau emparée d’elle en 2010, elle s’est refait la main en redessinant des modèles pour une marque, et elle a eu envie de monter sa propre ligne de bijoux.

Son mari l’a encouragée, elle a dessiné sa ligne de petits mondes enfermés dans une goutte de cristal, elle a trouvé un fabricant génial qui lui a fait ses petites sculptures d’animaux en or, elle a récupéré ses lots de pierres achetés autrefois chez Munnu, et hop, elle a lancé sa première ligne, Secret Glas, ou un petit monde s’agite dans une goutte de cristal.

Alexandra est une artiste.

Elle adore dessiner, elle se balade tout le temps avec un carnet, et dès qu’elle a une idée, elle la met sur papier. Elle travaille avec une spécialiste qui gouache ses dessins, même si elle préfère plutôt les aquarelles, elle trouve que l’aspect liquide de cette peinture illustre mieux la transparence des pierres, et la fusion des couleurs.

Dans son ravissant petit showroom sous les toits de Paris, elle collectionne un nombre infini de cahiers, dessins, et crayons, qu’elle nous a fait admirer, nous racontant avec enthousiasme sa prochaine création.

Elle dit volontiers qu’elle est nulle en business, et qu’heureusement qu’elle a Juliette et son mari pour l’entourer, parce que les chiffres, à part le chiffre 7 des chakras, ça ne lui parle pas du tout. Juliette a beau la rassurer, je pense qu’elle dit vrai. Elle a la tête dans les étoiles et elle les regarde, elle les admire, elles les écoute, elle leur parle, mais elle ne perd pas son temps à les compter. Il y en a trop.

Hier matin, avec Sarah, on a quitté Alexandra et Juliette avec regret, parce que dans ce petit show room sous les toits de Paris, on se sent bien. Alexandra voulait adopter Sarah, qu’elle trouve mignonne comme un bonbon, et moi je serais bien restée chez elle à compter mes chakras, à m’hypnotiser de ses petits mondes précieux enfermés dans leur goutte de cristal, à m’émerveiller de ses arc en ciel de mille et une pierres précieuses, et à me laisser bercer pas ses histoires fantastiques.

Parce qu’Alexandra, en dehors de tout ça est aussi une conteuses de trucs à dormir debout, mais ça, c’est une autre histoire !

Merci Vincent pour ton talent d’entremetteur, metteur en scène et catalyseur d’histoires, vraiment je ne regrette pas d’avoir rencontré Alexandra Abramzcyk, je te confirme !

Elle est une nouvelle fée dans mon firmament des créatrices de bijoux, à découvrir absolument chez Montaigne Market au Plazza Athénée, pour s’émerveiller de ses bijoux oniriques, talismaniques et précieux. Foncez !!!

Photos et vidéo Sarah Clavelly

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2 réflexions sur “Les mondes merveilleux d’Alexandra Abramczyk

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