Precious Room by Muriel Piaser

Dans la vie, tout est affaire de point de vue.

En montagne, le paysage n’est pas le même à la descente qu’à la montée. En montant on regarde ses pieds, en descendant on admire l’immensité de ce qu’on a parcouru, et c’est de ce contraste que nait l’intensité.

Toute proportion gardée, c’est ce que j’ai ressenti la semaine dernière quand j’ai visité Precious Room, la journée évènement pendant laquelle Muriel Piaser, la célèbre organisatrice de salon de mode et de joaillerie, expose de jeunes créateurs de Fine Jewelry ; Pendant des années, j’étais derrière la vitrine pour exposer des bijoux, et maintenant je suis devant, et ça change tout.

En janvier et en juillet pendant la semaine de la Couture, Muriel rassemble plus de trente cinq créateurs dans les salons dorés du Palais Vivienne.

Je suis arrivée sur Precious Room en retard et énervée, en bonne parisienne qui commence sa journée dans la loose. Réveil du pied gauche, box internet en panne suivi d’un combat homérique sur la connexion wifi avec mon Significant Other en télétravail, suivi de panne de métro sur la ligne 9, suivi d’un Uber douteux constellé de miettes de croissants … Mais à peine arrivée j’ai tout oublié.

Le talent de Muriel c’est de mettre tout le monde à l’aise avec son Wall of Fun en léopard, ses talons aiguilles à la Carrie Bradshaw et son sourire de star, ce qui est une gageure.

Parce que pour le créateur, exposer ses collections est toujours un enjeu poignant, et pour le visiteur, c’est une mise à l’épreuve de son flair pour détecter les talents émergents. Si les bijoux sont sur la scène, les créateurs sont en backstage et les visiteurs jouent le rôle d’un public exigeant dont l’indifférence est reçue comme une arrogance d’une insupportable violence. C’est du vécu. Moi quand on passait devant mon stand sans me calculer, j’avais envie de me jeter par la fenêtre.

A peine arrivée, je me suis retrouvée au confluent de ce faisceau d’espoirs comblés ou déçus. Et comme j’ai moi-même été successivement créatrice de bijoux, responsable du développement d’une marque de joaillerie, acheteuse pour une boutique multimarque, et maintenant, auteur d’un magazine digital, ces espoirs et désespoirs, je les ai tous traversés.

Ma visite à Precious Room était minutée, j’avais sélectionné 5 marques, dont les deux premières figurent parmi mes chouchoutes depuis leur début, Sophie D’Agon :

Et Dorothée Sausset :

J’étais accompagnée de Delphine Jouandeau, ma complice photographe, et à peine arrivée je suis tombée sur Marie Gas, fondatrice du ravissant concept store By Marie et acheteuse visionnaire, autant dire qu’on a fait une entrée remarquée. Tous les regards ont convergé sur nous comme si on transportait le Graal, et c’est là que j’ai réalisé que si j’étais la même qu’il y a quelques années, de par mon changement de point de vue j’étais devenue une autre, ce qui m’a beaucoup troublée.

Un peu flattée sans aucun doute, parce que même si Les Précieuses ce n’est pas le Vogue.fr, ça veut dire aussi que mon  magazine digital a un succès d’estime et un début de notoriété.  J’y mets du cœur, ça commence à payer, j’en suis fière.

Mais à coté, je me suis sentie pleine de culpabilité, parce ce que je ne pouvais pas voir tous les créateurs. Non pas parce que je n’apprécie pas leur travail, mais tout simplement parce qu’ils ne rentrent pas dans ma ligne éditoriale, et que mettre en lumière, c’est aussi choisir.

Et enfin, cette visite inopinée avec Marie était purement due au hasard. Si nous partageons souvent les mêmes coups de cœurs, il arrive que les créateurs que j’aime n’entrent pas dans l’équation de By Marie joaillerie, pour des raisons diverses, d’image, de concurrence, de prix ou d’équilibre d’offre.

Je suis une passionnée de bijoux qui partage ses coups de cœurs et qui raconte des histoires de créateurs, et si j’ai joué à l’assistante acheteuse de Marie sur le stand de Dorothée Sausset, c’est parce que quand il s’agit de faire une sélection de bijoux, c’est comme quand on me tend un micro ou un sac de nounours en chocolat, je ne peux plus m’arrêter…

Après cette pause chez Dorothée, je me suis dirigée vers mes trois nouvelles découvertes et j’ai essayé les bracelets fins et les bagues légères d’Emmanuelle d’Ortolli :

Les pavages aux couleurs arc-en-ciel de Andie Marthe :

Et j’ai rendu Delphine dingo parce que je pose en mode grimaces Jim Carrey et que la lumière en douche jaune orangée me mettait 10 ans dans la vue.Et enfin, j’ai été bluffée par les créations de Capucine H, une jeune artisan dont les bijoux racontent un voyage dans les glaces de l’arctique, une collection personnelle, virtuose et singulière, une joaillière de talent, à suivre absolument.

Je suis ressortie de Precious Room reboostée. Un showroom comme celui de Muriel Piaser, c’est plus qu’un salon. C’est un lieu de rencontre, d’échange et de partage entre tous ceux qui font ce métier, créateurs, journalistes, acheteurs et tous les autres comme moi, quel que soit le point de vue. Parce que ce qui compte et qui nous lie avant tout, c’est bien sûr d’aimer, de créer, de porter et de raconter les bijoux.

Le prochain rendez-vous  Precious Room de Muriel Piaser est du 4 au 7 mars sur le salon Première Classe des Tuileries. A ne pas manquer !

Photos Delphine Jouandeau

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