Il y a des choses qu’on ne fait pas tous les jours dans la vie, et qui pour le commun des mortels, restent du domaine de l’exceptionnel.

Aller dans la boutique Chanel de la place Vendôme fait partie de ces rares moments dont on se dit que c’est tellement agréable et fun qu’on devrait y penser bien plus souvent !

L’autre jour ma copine Fran m’appelle et me dit tout de go, faut que j’aille chez Chanel (j’aime bien le « faut »), tu viens avec moi ?

Vu que je n’y avais pas remis les pieds depuis ma recherche de bague de fiançailles (…) et que je suis une disciple de la marque, je n’ai pas hésité.

A ce stade le mot disciple mérite précision. Je ne suis pas une cliente fidèle, ce qui est un euphémisme, car je dois honteusement avouer que je ne possède pas un seul bijou Chanel ! D’abord pour des raisons triviales qui ne méritent pas que l’on s’y penche, aussi parce ce qu’aujourd’hui je m’intéresse plus aux créateurs émergents qu’aux icônes du luxe, mais surtout parce que je considère que cette marque est trop parfaite pour moi.

Trop parfaite pour moi, comme un homme pourrait dire d’une femme « trop belle pour moi ». Je ne suis pas à la hauteur, c’est tellement beau que je préfère la considérer de loin comme une étoile dans le ciel, pour lui conserver son Mystère et ne surtout ne pas la ternir à la misérable banalité de ma vie !!!  Sans compter que les ombres de la terrible Mademoiselle et du non moins terrible Karl pèsent sur ma conscience de pauvre petite chose intimidée….Les étoiles appellent les étoiles, Diane, Vanessa, Anna, mais pas moi !

Les bijoux Chanel réunissent cet équilibre parfait et improbable entre une rigueur obsessionnelle et des motifs figuratifs oniriques d’une grande poésie.

Qui d’autre a pu s’inspirer à la fois de la forme géométrique de la place Vendôme et des courbes sensuelles des camélias ?

Je vénère les bijoux Chanel, et c’est l’occasion de les voir d’un peu plus près.

Nous voilà en ce jour venteux de février sur la mythique place Vendôme, où un orage de grêle vient de laisser la place à un arc en ciel surnaturel. Décidément cet endroit est magique, direction la boutique, dont l’entrée ressemble au porche d’un hôtel particulier, on a un peu l’impression d’être propulsé dans un espace hors temps, entre modernité d’avant garde et nostalgie début de siècle.

Passé le sas de sécurité et son molosse ultra connecté, on débouche sur une majestueuse galerie meublée de consoles art déco façon Jean-Michel Frank, dont les portes s’ouvrent sur de petits salons. On déambule d’un salon à l’autre en s’émerveillant sur les vitrines, le personnel, discret, nous laisse faire notre promenade en nous saluant mais sans nous importuner, on est chez les dieux de l’Olympe mais on nous fait comprendre qu’on est un peu chez nous, jubilatoire !

Fran est plus branchée sport de compétition que Fanfreluches et Castafiores et je suis là en personnal shoper. Nous avons fait notre sélection, une jeune femme souriante et couverte des bijoux de la ligne Ultra (les céramiques) se dirige vers nous et nous invite à nous asseoir pour nous montrer quelques pièces. Elle nous propose un café qu’on accepte avec plaisir. Elle s’éclipse pour le préparer et chercher les bijoux, on s’installe en regardant autour de nous comme des gamines dans la caverne d’Ali Baba, ce lieu est euphorisant.

Notre hôtesse revient, et le temps de savourer notre café, elle nous raconte les différentes pièces quelle nous a apportées. Ce qui me frappe au bout de 5 mn , c’est que cette fille est cool. Elle a beau être Vendeuse (oui la on met la majuscule ça s’impose) chez Chanel, on a très vite l’impression qu’on parle avec une copine qui nous expliquerait les détails de la création des produits, quand et pourquoi cette montre a été faite, les choix de communication de la maison, les subtilités du style d’un modèle par rapport à un autre. Elle nous accompagne dans nos enthousiasmes et nos hésitations, comme une copine. On essaye tout, on compare, on évalue, on se regarde dans le miroir, on se prend même en photo avec les bijoux, on a tout notre temps, elle aussi.

Amandine (c’est le nom de notre hôtesse) qui a noté que je suis une fan de la marque a sorti son ipad pour me montrer la collection des bagues haute joaillerie, un régal…

C’est tellement cool qu’au bout d’une heure de discussion à bâtons rompus, Fran a sélectionné la bague et la montre de ses rêves, elle se les ai appropriés, la suite n’est plus qu’une insignifiante formalité. Amandine a noté les références des bijoux sur un magnifique bristol siglé, les coordonnées sont échangées, la taille de doigt est enregistrée et elle nous fait cadeau d’un sac rempli des somptueux catalogues de la collection Chanel, qui ressemblent plus à des livres d’art qu’à des prospectus commerciaux. On se quitte meilleures amies, c’est limite si on ne lui fait pas la bise.

On retraverse la galerie à regret, retour sur la place Vendôme qui a séché de l’averse, nimbée de la lumière particulière de cette fin de journée d’hiver. Nous ne sommes pas encore sorties de l’espace hors temps, c’est juste le sas de décompression, dont on émerge brutalement rue de la paix en découvrant le PV sous les essuie-glaces de la voiture…

Que Fran concrétise ou pas son achat est finalement une question subsidiaire, quoi que je pense que la probabilité qu’elle craque est proche de 99 %.

Ce qui compte, c‘est qu’on vient de vivre un moment particulier qui laissera une trace dans notre mémoire, parce qu’on a éprouvé de l’émotion.

Les spécialistes du marketing du luxe vous expliqueront qu’on a vécu une « shopping expérience » réussie. Nous on dira qu’on a eu du plaisir à entrer dans ce lieu exceptionnel par ce qu’on s’y est senties accueilles, qu’on a cotoyé l’âme de ses créateurs comme si ils étaient dans ces murs. La personne d’Amandine, en incarnant l’esprit de La Maison Chanel, a su créer ce lien spécial entre nous et la marque.

On se souviendra qu’un jour beau d’hiver, on a pris un café chez Chanel, et que c’était unique.