Un siècle de Buccellati

Passer la porte de la boutique Buccellati au 239 de la rue Saint Honoré, c’est entrer dans le temple de la marque mythique de joaillerie Milanaise.

Pour la plupart des jeunes créateurs dont je parle dans Les Précieuses, Buccellati est une marque vénérée dont l’âme créative inspirée de la renaissance italienne brille d’un éclat perpétuel. Une performance dans un domaine où l’oubli succède souvent aux engouements,  la flamme de Buccellati est aussi vivace que celle des tableaux de Botticceli, son jumeau artistique italien.

Pour tous, à l’unanimité, Buccellati est un modèle de beauté, d’harmonie et d’excellence artisanale, une source d’inspiration perpétuelle.

Pour la parisienne, un bijou Bucellatti est le comble de l’élégance, premier au panthéon des pièces iconiques à posséder dans sa cassette personnelle, au même titre que le bracelet Love de Cartier ou le collier Alhambra de Van Cleef & Arpels. Le groupe suisse Richmont ne s’y est d’ailleurs pas trompé, la célèbre marque italienne fait partie de son exceptionnel pool joaillier depuis 2019.

Et pour moi, c’est une saga extraordinaire qui me donne envie de plonger dans l’histoire, parce que derrière la marque, se cache une dynastie d’orfèvres-joailliers dont la saga traverse le siècle. Quand Tamara Vatelot-Gaillart, leur attachée de presse, m’a envoyé l’invitation pour découvrir la nouvelle collection de colliers Ombelicali et le livre qui fête les 100 ans de la marque en présence de la famille, à défaut de bondir dans le Paris-Milan, j’ai pris le métro illico presto.

Si le luxe est synonyme de somptuosité et de rareté, pour moi, il se nourrit avant tout de sensations. Le sourire du monsieur de la sécurité qui se tient devant la porte de la boutique, puis celui de la dame qui m’accueille et m’entraine vers le salon feutré. La douceur moelleuse des coussins moirés, l’éclat chaud de la lumière et la douce odeur ambrée qui flotte dans l’air. L’élégance du parquet en marqueterie et les touches d’or mat des vitrines dans leur écrin de laque noire. L’exquise gourmandise des macarons multicolores gracieusement disposés à coté d’un immense bouquet de fleurs fraiches.

Au moment où j’arrive, Tamara termine la présentation du livre à la précédente invitée, je pose discrètement ma pelure vintage sur la soie d’un fauteuil, et je me penche en attendant vers la vitrine dans laquelle sont exposés des colliers de perles précieuses et des parchemins recouverts d’une élégante calligraphie à l’encre noire. Une élégante femme blonde en tailleur bleu nuit s’approche de moi, son visage est caché par le masque noir mais ses yeux bleus sourient, elle m’explique en me montrant la vitrine :

« Voilà la nouvelle collection Ombelicali que mon frère Andréa a imaginé pour l’anniversaire des 100 ans de la marque. C’est une réédition revisitée des colliers créés par mon grand-père Mario à la demande de son ami, le poète Gabriele D’Anunzio . Vous voyez, ça c’est le collier original  en perle de cristal de roche qu’il avait commandé pour une de ses  muses, la célèbre comédienne Elonora Duse… et voilà le collier en perles de lune créé aujourd’hui par Andréa ! »

Cette belle et grande femme blonde qui me parle avec une simplicité monacale, c’est Maria-Christina Buccellati, petite-fille de Mario, fondateur de la maison de joaillerie en 1920, fille de Gianmaria, créateur de l’iconique collection Macri dessinée spécialement pour elle, sœur d’André, actuel directeur artistique de la marque, et tante de la belle Lucrezia, la petite dernière qui reprend le flambeau créatif familial.

Je n’ai pas le temps de reprendre mes esprits qu’un nouveau groupe d’invités pénètre dans le salon. Je reconnais Katerina Perez, auteur du célèbre magazine digital de joaillerie éponyme, et 3 autres journalistes. Maria-Christina nous s’installe sur le sofa de soie gris perle et nous invite à l’écouter. Je comprends que j’ai le droit à une présentation VIP, j’allume mon iPhone pour ne pas en perdre une miette.Ce livre est tout simplement une merveille pour les amoureux de la joaillerie en particulier, mais aussi pour tous ceux qui aiment les histoires autour de la genèse artistique, son envol, son développement et sa transmission.

Devant cinq paires yeux captivés, les longues mains de Maria-Christina ornées d’un sublime anneau de diamants entrelacés dans une dentelle d’or feuillettent le livre d’art alors qu’elle nous explique la passion de sa famille pour les techniques d’orfèvrerie antiques transposées dans la joaillerie. 

Je reconnais les plus célèbres techniques, signatures des collections iconiques de la marque : le tulle, travail d’or ajouré hérité des dentelles vénitiennes de Burano, le damasquinage, technique décorative originaire de chine transmise aux orfèvres européens par la Perse antique, ou le Rigato, subtiles lignes gravées dans l’or métamorphosant sa surface en texture soyeuse.

Elle termine par les dates clés de la marque depuis un siècle et les photos de famille, quand son frère Andréa pénètre dans le salon fort à propos. L’élégance italienne, l’exquise politesse et l’œil bleu qui frise sont à l’évidence dans les gènes des descendants du grand Mario. Andréa nous explique avec modestie que pour Ombelicali, il n’a fait que mettre ses pas dans ceux de son grand-père.

Il parle de l’amitié de l’aïeul avec Gabriele D’Annuzio et raconte de son charmant accent italien que les coups de foudre à répétition du grand poète ont alimenté la créativité de la maison Buccellati en même temps que son carnet de commande. Chez les Buccellati, l’amour est au centre de tout, au même titre que la discipline, la tradition, l’humilité, et la transmission.

Je ne moufte pas, on m’aurait présenté Michel-Ange lui-même, je n’aurais pas été plus impressionnée…

Maria-Christina et Andréa nous remercient de notre présence, chacun referme son iPhone et repart avec la très lourde anthologie Buccellati dans un cabas en toile ivoire brodé. Pas de logo ostentatoire, la marque est dans le Fly Low, pas dans le Bling.  Je retraverse Paris dans le sens inverse menacée par une scoliose, mais à peine arrivée, c’est avec ravissement que je me plonge dans la saga joaillière.

Au-delà des photos d’une beauté à couper le souffle, des documents d’archives fascinants sur les différentes techniques artisanales et l’histoire, il y a ces bijoux de rêve, et la poésie. Parce que comme l’écrit si bien Franco Coloni en introduction du livre :

« Chez Buccellati, les mains écrivent une poésie au quotidien, éternelle dans l’inaltérable modernité d’un bijou que le temps caresse de ses doigts familiers, comme les mains expertes d’un maître artisan, ou un amoureux qu’il est, quelqu’un qui sait comment vaincre le temps qui passe grâce à l’intensité de sa passion. » 

Edité chez Assouline, 198 € une merveille pour Noël.

 

Share Button

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.