Serpents, Au delà du bien et du mal

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La violence des événements me laisse sans parole pendant quelques jours. Une sorte de paralysie mentale et physique, en particulier en ce qui concerne mon travail, les bijoux.

Que dire sur les bijoux quand des Kalachnikovs tuent à l’aveugle en plein Paris, laissant sur le carreau une population hébétée de stupeur et d’effroi ?

Pas grand chose, même Canteloup a arrêté de faire des vannes salaces lundi matin, c’est dire.

Alors j’écoute, les commentaires, les analyses, les explications, et j’admire beaucoup ceux qui arrivent à tirer de ce magma de violence insensée un début d’idée, de sens, et de lumière, dans la confusion de l’instant.

Moi je déteste réagir à chaud, j’ai trop peur de dire une bêtise, de me tromper, de partir dans une mauvaise direction. Je me méfie de l’émotion comme de la peste. Cette émotion qui me guide si souvent dans la vie, je la fuis quand les choses tournent mal, mon instinct me souffle que dans ces moments, il faut garder la tête froide.

Dans ce climat où l’intensité de l’information écrase toute perspective, j’essaye d’écouter ceux qui s’y connaissent vraiment , dont c’est le métier d’étudier le sujet qui pose problème, et depuis longtemps, pas depuis 2 jours. Il n’y a rien de pire que les faux spécialistes…

En même temps, j’essaie de faire le tri entre ceux qui émergent enfin du silence pour faire entendre leur voix, jusque-là inaudible, et ceux qui en profitent pour faire leur auto-promotion, servie par une audience démultipliée par l’angoisse. La guerre et les conflits constituent un drame pour la majorité, et un tremplin pour d’autres.

Je ne veux pas rentrer dans ces sujets trop graves, je partage sur FB les articles qui me paraissent intéressants, mon blog n’est pas fait pour ça, il a plutôt la vocation de nous faire rêver, et parfois sourire.

Ce que j’ai envie de partager avec vous, c’est la symbolique de ces derniers huit jours, telle qu’elle m’est apparue au fil des commentaires, des mots répétés, et de la tonalité dramatique des discours.

Daesch EST le mal, un serpent dont la tête à abattre est en Syrie, le terrorisme est l’hydre de Lerne, le monstre malfaisant combattu par Hercule, dont les têtes multiples se régénèrent à l’infini et l’haleine est un poison mortel, les terroristes sont des êtres à sang froids, des monstres ophidiens dont on ne peut croiser le regard sous peine de mort, invincibles car ne craignant pas l’autre monde.

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A défaut de pouvoir classer les terroristes de Daech dans la catégorie des humains, il nous faut des images fortes pour les nommer. Ce qui ne se conçoit pas s’invente, se fantasme, et s’inscrit dans un imaginaire, celui du mal.

Serpents, dragons, amphisbènes, basilics, guivre, hydres et chimères, ces animaux fascinants, hybrides, immortels, aux pouvoirs malfaisants, puisés dans la mythologie grecque, la genèse et les textes bibliques, constituent un bestiaire utile en ces temps ou la raison défaille face à une violence pure, impalpable, et terrifiante et où les mots manquent pour définir le mal.

amphisbene basilics

Il y a aussi dans cette mythologie une lecture apocalyptique, qui fait référence au chaos primitif ou au cataclysme de la fin du monde.

Comme sur le célèbre tableau de Gustave Moreau, la bête aux 7 têtes de serpents face à Hercule : le mal contre l’humanité, le clair-obscur d’un soleil qui éclaire le héros dans un sombre passage rocheux, comme une ouverture sur un monde souterrain infernal, les corps sans vie des victimes, et cette beauté, malgré tout. Car l’issue du combat est limpide : Hercule triomphera du monstre.

Pauvre serpent qui porte tous les malheurs du monde… maudit dans la genèse par sa sombre participation à la déchéance d’Adam et Eve, symbole de la tentation et du péché, rival de la lumière primale, élu maître du monde des morts et des ténèbres.

boucheronMais l’animal mythique a son double merveilleux, car sa perfection et sa sensualité font de lui la star incontestée des œuvres d’arts, tableaux, sculptures, ornements et bijoux. Grâce à la mue qui le fait renaître, il est aussi le symbole du dualisme de la matière et de l’esprit, de l’âme et du corps, et sa capacité à se renouveler indéfiniment.

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Il incarne notre indéfectible aspiration à la jeunesse éternelle, au renouveau, et finalement à l’espoir.

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Vous allez me dire que je retombe sur mes pattes, et que je suis arrivée à vous parler de bijoux au bout de cette semaine ou on ne sait plus parler de rien.

J’aime la symbolique du serpent, car elle tient à l’histoire de notre humanité. Elle est ancestrale, complexe, multiple, paradoxale, universelle. Elle est spirituelle et séculaire, elle nous parle du bien et du mal, avec toute la poésie dont on a besoin pour soulager son cœur, quand il est en peine.

A voir , mon shopping de novembre : Serpents

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12 réflexions sur “Serpents, Au delà du bien et du mal

  1. Très touchée par ce texte juste et bien vu.
    Si tu vous ne l’avez pas deja lu, je vous conseille de lire Confiteor de Jaume Cabré, un roman fascinant, où se mélangent les horreurs de l’inquisition, le franquisme, la shoa…l’histoire du mal sans cesse réinventée.

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  4. Hello Sylvie,
    Encore un écrit magnifique!! Tout est juste, dosé, équilibré et la plume reste légère en dépit d’un sujet
    grave et d’une atmosphère plombée. Rien à ajouter, c’est tout simplement touchant et émouvant.
    Pour ma part, je ne suis pas folle dinguo de ce bestiaire mythique. J’ai peur des serpents …
    Merci à toi pour tes trouvailles incroyables et tes sujets parfaitement maîtrisés. Bravo!!!
    Anne-So

  5. Admirable Sylvie de trouver un échappatoire « précieux » face à ces atrocités et ces êtres ignobles qui les perpétuent… Très belle plume en plus pour des faits si violents.
    A la différence du serpent , ces hommes ( … et femmes ) n’ont pas leurs  » doubles merveilleux « , ils ne sont
    que des monstres et n’ont pas leur pareil dans le monde animal.
    A quand un beau sujet sur l’araignée et sa toile ? insecte maudit pouvant être si beau en joaillerie !

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