La Pinky Ring selon Dina Kamal

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J’avais rencontré Dina Kamal, créatrice libanaise en juillet dernier. C’était un samedi matin tôt, et j’avais du lutter contre les brumes persistantes de ma soirée de la veille. Cerveau mou, parole pâteuse, sons en échos, chauds-froids nauséeux, ça vous dit quelque chose ?

Depuis cet été, j’ai revu Dina en octobre dans un état beaucoup plus lucide, mais ce n’est que cette semaine dernière, en allant enfin visiter l’exposition Oscar Wilde au Petit Palais, que la lumière a chassé les brumes, et je me suis jetée frénétiquement sur mon ordi pour rédiger ce post.

Ce qui a fait tilt, c’est que Dina Kamal, architecte de formation, esthète, puriste de la forme parfaite, obsédée du détail, mystique de la fascination joaillière, a pour bijou emblématique la Pinky Ring (bague de petit doigt, The chevalière of course !) qu’elle a remis au goût du jour depuis le lancement de sa ligne de bijoux, en 2010.

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Or, la Pinky Ring, c’est la bague du Dandy par excellence, la bague que porte Oscar Wilde sur la magnifique photo de l’exposition qui lui est consacrée au Petit Palais jusqu’au 17 janvier 2017, photo réalisée du temps de sa splendeur par le célèbre photographe américain Napoléon Sarony.

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La Pinky Ring c’est plus qu’une bague, c’est une posture, et elle est diablement à la mode.

Elle passe un message, elle affirme haut et fort : j’ai du pouvoir et je suis cool, je suis terriblement séduisant(e) et je suis indifférent(e), je suis un homme et je suis une femme, je suis profond et je suis superficiel, bref, je suis un dandy.

Le dandysme étant la forme la plus sophistiquée du charisme, la Pinky Ring vous pose un personnage.

Je connaissais le travail de Dina Kamal depuis ma mission sur le développement de la boutique de bijoux de créateurs Macle à Beirut, cette marque faisait partie des premiers choix de Selim Mouzannar pour sa boutique, car Dina a un talent unique et une notoriété déjà internationale.

Hyper-exigeante, elle n’est distribuée que dans les points de ventes qui lui correspondent, qui comprennent son travail comme elle dit. Colette et Montaigne Market en France, Doverstreet Market à Londres, Macle à Beyrouth, que du top dans la rectitude et le design.

Je l’ai rencontrée une première fois à Paris en juillet, avec ses incroyables bagues twins en émeraude taille coussin, et elle m’avait parlé longuement de sa démarche créative, une véritable quête de perfection, de cohérence et d’épure.

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Il suffit de regarder son instagram ou les photos qu’elle fait de son lieu préféré à Beyrouth, le Sporting, la plage mythique de la corniche, pour comprendre son goût de l’essentiel, et son obsession des lignes.

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J’avais beaucoup aimé le personnage, son intensité et la générosité avec laquelle elle raconte son travail.

Juste après la Fashion Week elle est repassée par Paris avec toute sa collection, et ça a été un vrai bonheur de faire un shooting avec elle à l’hôtel Daniel, véritable Q.G. du tout Beyrouth à Paris.

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On s’est retrouvées dans ce salon rococo de l’hôtel, sorte de reconstitution de l’atmosphère feutrée du boudoir d’Odette de Crécy, lieu fantasmé par Proust dans « Un amour de Swan » : du velours, des pastels, de la soie, une profusion de tissus chamarrés, des meubles exotiques, des lampes tamisées diffusant une lumière dorée… Un décor de cocotte du 19ème pour une créatrice du 21ème siècle au design ultra straight, le parfait contraste !

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Dina est une femme charismatique, un peu gourou, elle a le regard pénétrant de ceux qui observent le monde et s’amusent de tout, et cette empathie innée des libanais, le charme incarné auquel personne ne résiste !

Hôtesse accomplie, elle a commandé un thé qui est arrivé dans une ravissante théière art déco en argent, et en parfaite magicienne, maîtresse de son spectacle, elle nous a sorti un à un tous ses trésors de petites trousses ravissantes, me passant au doigt, avec le plus grand naturel, toute les variations de ses incroyables Pinky Rings, et de quelques autres bijoux fétiches.

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Dès notre première discussion, Dina m’avait raconté sa passion pour les chevalières portées au petit doigt, avec cette inspiration très masculine des dandys du 19ème siècle comme Oscar Wilde, des héros du cinéma américain des années 70, comme de Niro dans Taxi Driver, ou des jazzmen et des rappeurs plus récemment.

Elle se souvient que sa mère portait toujours une chevalière, et que pour elle, ce style était l’affirmation d’une forte personnalité, d’une posture de femme libre, comme celle de Coco Chanel dans les années 20 ou de Catherine Deneuve dans sa période d’égérie pour Yves Saint Laurent.

Pour Dina, je comprends que le fait de porter une Pinky Ring soit plus qu’une mode. C’est une attitude, l’affirmation de sa liberté d’esprit et en même temps, la quintessence du chic.

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C’est en ça qu’elle est proche de l’esprit Dandy d’Oscar Wilde et de cette fixette sur le style, comme une dimension essentielle de la personnalité.

Le prince de l’aphorisme affirmait, dûment accessoirisé de sa cravate, de sa canne, de sa culotte en velours, et bien sur, de sa Pinky chevalière :

« Le bon goût est l’excuse que j’ai toujours avancée pour justifier la vie déplorable que je mène ».

En écoutant Dina, je décode que pour elle, le bon goût, c’est de créer un bijou dont on ne se lassera jamais, un bijou éternellement désirable. Un bijou dont la fonction, la raison et la cohérence parfaite vont créer un désir qui tient de la magie. D’ailleurs, le claim de sa marque, et de sa démarche créative est cristal clear :

« We are dedicated to the idea of fascination »

Il y a dans sa démarche la rigueur de l’architecte et l’utopie de l’artiste.

Tous ses modèles sont à la fois d’une grande simplicité apparente et  d’une grande technicité.

Elle m’explique que pour cette bague twins ornée de deux diamants jaunes taille coussin, son obsession était de garder la structure des pierres dans le dessin de la bague, tout en les protégeant.

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Ce qui est fascinant, c’est que les pierres semblent en lévitation sur l’anneau, alors qu’elles sont serties par l’arrière grâce à un bridge invisible et extrêmement complexe, sorte de structure architecturale cachée pour valoriser la forme des pierres. L’intérieur de la bague est aussi belle que l’extérieur.

Inutile de dire que cette bague est unique, trouver deux diamants appariés de cette taille, couleur et qualité, tient quasiment du miracle, et Dina cherchera encore longtemps la prochaine paire qui satisfera son immense exigence. Car elle n’est pas de celles qui achèteront une pierre sur un coup de cœur, sans savoir quoi en faire.

Elle aime les pierres, mais celle-ci doit rester au service du modèle qu’elle a déjà en tête.

C’est la forme de la bague qui va définir son cahier des charges dans la recherche de pierres. Elle m’explique qu’elle peut attendre une pierre pendant longtemps, elle s’en fiche, elle n’est pas pressée, elle est au service de la perfection de son bijou, et tout se joue au millimètre près. Elle ne peut acheter que des pierres parfaitement calibrées, sa démarche créative ne tient en rien du hasard, tout est calculé avec une infinie précision.

Sur son produit iconique, cette chevalière racée à la surface plate, concentré de son travail sur les proportions, elle s’est appliquée à décliner l’or dans toutes ses tonalités, de l’or beige (très pâle, un chic fou) à l’or noir en passant par les tonalités plus classiques du blanc, du rose et du jaune.

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Elle a aussi travaillé l’émail, mais pas n’importe lequel, pour avoir ce rendu parfait de l’aplat en blanc et noir (les couleurs de l’émail sont pour plus tard, là aussi elle cherche la perfection).

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Son autre obsession est la matière, et elle a travaillé à chaque fois le poli et le mat (son mat est unique, velouté), le pavage de diamants si parfait qu’il créé une matière (avec un camaïeux de diamants blancs, bruns ou noir), et le diamant taille princesse qu’elle aligne dans une perfection rectiligne absolue.

Dans ses dernières créations, il y a aussi l’onyx, noir et intense, associé aux perles, qui donne un esprit très 18ème à ses bagues, façon marquise de Merteuil, la sublime embrouilleuse des «Liaisons dangereuses ».

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Toujours inspirée des bijoux dont la gestuelle unique pose un style, elle a repris la loupe d’autrefois, qui se porte comme un sautoir et s’utilise comme une vraie loupe (la lunette pour vieux vous savez ?), ou du bracelet gourmette, qu’elle a détourné en bracelet multi-rangs qui se transforme en collier.

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Nous sommes restées un bon moment ensemble, j’ai tout essayé, Dina me passait ses bijoux comme on pare une actrice pour un rôle, et Sarah shootait, littéralement sous le charme de la créatrice.

Je me suis sentie bien dans tous ces rôles de femmes icône, ces femmes un peu rebelles et toujours conquérantes, qui ont porté la Pinky Ring comme on porte une armure, insolemment, sensuellement, avec un zeste de provocation.

Avec Dina, j’ai admiré la pureté de son travail et la rigueur avec laquelle elle réalise ses bijoux, mais j’ai aussi voyagé dans le temps.

Ses références sont autant historiques qu’esthétiques, et elle a compris que l’objet, qu’il soit une Pinky Ring, une loupe, ou une gourmette, dès qu’il sont portés, et donc utilisés, dictent une attitude, une posture qui passe un message.

Si je dois me réincarner dans un des rôles qu’elle m’a fait jouer avec sa Pinky Ring, mon cœur balance entre la cruelle marquise de Merteuil du siècle des lumières,  la séductrice Jeanne Toussaint, illustre cocotte des années 20, ou la sulfureuse Catherine Deneuve égérie d’Yves Saint Laurent.

Mais en revenant hier de l’exposition Oscar Wilde au Petit Palais, j’ai compris que c’est pour le Dandy flamboyant que ma fascination de s’éteindra jamais, et c’est en pensant à lui que j’adopterai, sans hésiter, la Pinky Ring de Dina.

En souvenir de l’aphoriste qui me fait sourire et pleurer dans la même phrase, de l’homme de tous les excès, de l’écrivain adulé puis déchu, qui nous a laissé cette phrase inouïe :

« Je me dis parfois qu’en créant l’homme Dieu a quelque peu surestimé ses capacités »

Et aussi en créant la femme… Pour boucler la boucle, c’est exactement ce que je me dit quand je suis embrumée, et que je dois écrire le post sur la bague de la saison, The Pinky Ring.

Photos Sarah Clavelly et myself !

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7 réflexions sur “La Pinky Ring selon Dina Kamal

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