Tatouage, ornement ultime

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Entre la jeune fille de gauche et celle de droite, il y a un monde. 

Cinquante ans les séparent, mais sur ces photos, elles ont le même bel age, 20 ans et des poussières.

A gauche, Yorina, mon Aphrodite blonde du shooting Apriati, née à Paris, suit des études de journalisme, parle 3 langues couramment, tchat sur WhatsApp aussi vite que moi je pédale sur mon vélo, remplit quotidiennement ses placards de fringues top mode troquées sur le net, affole la gent masculine avec son corps de rêve et ses yeux revolvers, cumule les petits boulots de serveuse et de modèle, rêve à parts égales du grand amour et d’une vie professionnelle riche et accomplie.

À droite, une farouche anonyme berbère (une des icônes de l’expo « tatoueurs tatoués » au musée du quai Branly), je vais l’appeler Dahbia, photographiée par Marc Garanger pendant la guerre d’Algérie, ne parle que la langue de ses ancêtres, l’amazigh, ne sait ni lire ni écrire, n’a jamais passé la porte d’une école et ne le fera jamais, s’évade de ses taches quotidiennes en chantant ou en récitant des contes, est déjà mariée depuis au moins 3 ans à un garçon de son village qui a été choisi par son père, avec lequel elle passera le reste de sa vie, n’a pas le temps de rêver car elle a déjà 2 enfants.

Tout les sépare, pourtant, elles ont beaucoup de choses en commun.

Il y a d’abord cette lueur rebelle qui brille dans leurs yeux, cette espèce de flamme un peu bravache qu’ont les belles filles de 20 ans, l’air de dire, tu vois, je ne sais peut être pas encore grand chose de la vie, mais ce que j’ai à moi, c’est ma beauté, alors tout peut arriver, ce n’est pas grave ».  

Yorina en joue, Dahbia le subit, l’une vit dans une société moderne qui fabrique des amazones, l’autre dans une société traditionnelle régit par des codes ancestraux  implacables mais néanmoins protecteurs.

Mais surtout, il y a ce tatouage qu’elles affichent toutes deux avec fierté,

mais sans impertinence, comme une signature naturelle du destin.

Leur tatouage est un ornement bien plus marquant qu’un bijou. Indélébile, il vivra leur vie avec elles, il est le sceau d’un événement grave, aussi profondément ancré dans leur mémoire qu’il s’est fondu dans leur peau.

Plus intime qu’un bijou, plus durable qu’un maquillage, leur tatouage est leur ornement ultime. Et si Yorina a choisi son tatouage, si elle l’a créé elle-même, pour se faire « son corps à elle », et immortaliser visuellement une émotion qui la suivra toute sa vie, par contre Dahbia n’a rien choisi. Les tatouages de son visage sont un rituel ancestral qui correspond à son passage d’un statut à un autre, il est une sorte de traceur social de son identité.

Yorina sait que son tatouage, au-delà de sa symbolique affective, est un élément esthétique de son corps, alors que pour Dabhia, il n’exprime qu’un rituel de transition, un marqueur anthropologique qui signifie qu’elle est maintenant une femme.

Quand moi j’avais 20 ans (ok ok je ne vais pas en rajouter sur la question…. ) le tatouage était une affaire de rébellion, l’apanage de ceux qui refusaient le système, qui prenaient la route, qui revendiquaient un message antisocial.

Le tatouage faisait peur à l’ordre bourgeois, au même titre que les croix et les bracelets de force de Madonna dans « Recherche Suzanne désespérément », les piercings ou les coiffures crêtes d’iroquois des punks. Non seulement ça faisait peur, mais à la quasi-unanimité, on trouvait ça super moche !

Aujourd’hui, toutes les stars affichent des tatouages hypers sophistiqués sur tapis rouge, entre un collier Harry Winston et un solitaire 20 carats Tiffany & Co.

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Dos, épaules, décolletés, poignets doigts, chevilles et pieds s’ornent de pluies d’étoiles, de symboles cabalistiques et de phrases en sanskrit ou autres langues exotiques et sacrées. Le marginal underground des années 80 est passé dans l’ultra branché mode, tout en gardant le twist de ses origines rebelles. C’est comme si toutes ces stars nous disaient, je suis riche, célèbre et belle, mais je fais toujours ce que je veux, et en particulier de mon corps. Le message antisocial est devenu une forme valorisée d’exhibitionnisme.

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Bon tout cela étant dit, je reste une éternelle suiveuse.

Mon regard s’est « fait » aux tatouages. Certes, je reste prisonnière de ma génération, le corps envahi de dessins de David Beckham ne me fait pas du tout fantasmer (j’ai l’impression qu’il est en train de se transformer en reptile …) mais je dois avouer que les petits signes discrets qui jouent avec un bijou, ou les phrases élégamment calligraphiées sur une épaule me séduisent assez.

De là à dire que je vais foncer demain chez le tatoueur pour me graver un « je t’aime » en sanskrit sur le poignet… Non décidément pas pour moi. Mes ornements ultimes resteront mes bijoux !

Je suis curieuse d’avoir votre avis là-dessus, tatouage ou pas ?

 

 

 

 

 

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Une réflexion sur “Tatouage, ornement ultime

  1. Pour ma part, je continue à trouver le tatouage assez vulgaire sous nos contrées. Les plus moches s’étalent sur les plages et dans les clubs de sport, au supermarché… Et donnent plutôt envie de tourner de l’œil.
    Cependant, je connais un atelier d’artistes d’origine vietnamienne dont les dessins sont fabuleux: des histoires, racontées avec un raffinement certain.
    Les tatouages me rappellent aussi ces corps tahitiens, de sublimes piroguiers, autrefois guerriers vainqueurs, sur lesquels s’étendent les mythologie locales. Il paraît que Darwin s’en était émerveillé! Et il y a de quoi!

    Aussi, attention aux chiffres et aux lettres gravés sur les avant bras. Restons choqués. N’oublions pas: les marques gravés sur les corps par les nazis, jusqu’à la mort. Pour les rares survivants, rappel éternel.

    Bref, au delà du marquage bestial et mortifère, parfait si l’élégance du dessin s’associe à la beauté de la légende, du mythe, du symbole, et aussi des corps. Loin d’être donné à tout le monde…

    Merci de nous faire voyager

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